Retour

 

Huit jours après son retour de grandes vacances, passées avec son fils, un de nos adhérents a vécu l'aventure suivante, il n'est sans doute pas prêt de l'oublier. A midi il raccompagne chez sa maman son fils de trois ans après un mois passé avec lui. Deux heures après celle-ci était à la brigade des mineurs. Voici le témoignage de notre ami :

 "Ayant déposé une plainte contre mon ex épouse pour dénonciation calomnieuse, je suis, un mois après, convoqué à la police pour " affaire me concernant ".

 Soulagement. Pour une fois, la Justice va peut-être passer.

 Un interrogatoire de deux heures me désempare quelque peu. Le dialogue n'a rien à voir avec la question qui me préoccupe.

Subitement une question tombe, brutale :

 - Que s'est-il passé avec votre fils ?

 - Rien. Il vient de passer un mois de vacances merveilleuses avec moi et je l'ai rendu à sa mère il y a huit jours.

 - Inutile de jouer au plus fin : il s'est passé des choses et il va falloir nous le dire.

L'interrogatoire repart en tous sens : je comprends de moins en moins.

 On finit par me révéler que ce petit bonhomme de 3 ans et demi m'aurait accusé d'agression sexuelle.

 Je suis abasourdi mais, que répondre si ce n'est que cela me paraît aberrant ?

 - Vous allez avoir le temps de réfléchir : vous êtes placé en garde à vue pour 24 heures renouvelables.

 La " torture " commence. Incarcération dans une cellule insalubre, sans eau, sans toilettes, avec un simple banc de bois crasseux pour m'asseoir ou m'allonger, suppression de toutes mes affaires et en particulier de ma montre, ce qui me fera perdre la notion du temps.

L'interrogatoire reprendra l'après-midi, dans un bureau surchauffé dont on ferme soigneusement portes et fenêtres lorsque j'arrive. La température doit être de 35 ou 40°. L'inspecteur qui me questionne a une bouteille d'eau avec laquelle il se rafraîchit régulièrement. Parfois, n'y tenant plus, il sort quelques minutes, sans doute pour prendre l'air.

 Je me plains de la soif.

- Vous pourrez boire lorsque nous aurons terminé.

 La gorge desséchée, épuisé, j'éprouve les plus grosses difficultés à parler. Combien de temps pourrais-je résister ?

 Retour en cellule, on m'offre un vague sandwich dont je peux à peine avaler 2 bouchées, surtout que je n'ai rien à boire. Puis vient la nuit : interminable. Impossible de trouver une position pour dormir sur ce banc de bois : le dos moulu, j'ai des douleurs partout, sans compter ce qui se passe dans ma tête. Parfois je m'assoupis une demi-heure, une heure peut-être, une nuit de cauchemar, longue, longue, longue...

 Au matin, retour dans le bureau de l'inspecteur pour un nouvel interrogatoire. Le ton est de plus en plus agressif.

 - Maintenant, il va falloir parler !

 - Pour dire quoi ? Je ne comprends rien.

 Lorsqu'on me donne à signer le procès-verbal de ce nouvel interrogatoire, je fais remarquer qu'un paragraphe ne traduit pas ce que j'ai dit.

 - C'est sans importance, réplique l'inspecteur puisque cela sera repris plus tard.

 - oui, mais il est un point important que vous n'avez pas noté.

 Le ton monte fortement :

 - Entendons-nous bien : ce n'est pas vous qui menez l'enquête, c'est moi. Alors ne le prenez pas sur ce ton sinon cela va aller très mal.

 Je suis en position de faiblesse. J'ai peur. Je ne tiens pas à aggraver encore ma situation, peut-être pour une broutille. Aussi je ne proteste pas davantage et je signe.

Retour en cellule.

 Suite des interrogatoires par un nouvel inspecteur qui me notifie la prolongation de ma garde à vue.

 Je demande mes lunettes pour relire.

- Ce n'est qu'une notification, vous pouvez signer comme ça.

 Je signe " à l'aveugle ".

 Le ton du nouvel inspecteur est plus violent encore que celui de son collègue.

 Lors du dernier interrogatoire auquel il me soumettra, il me démontrera que ce que l'on me reproche n'est à vrai dire pas très grave et que j'aurais intérêt à avouer si je veux recouvrer ma liberté.

 - Si vous maintenez votre position, vous avez toutes les chances d'être placé en détention provisoire à la fin de votre garde à vue. Et comme le Juge d'instruction ne va certainement pas se précipiter sur votre dossier, vous êtes parti pour 4 mois de préventive. Alors que si...

 Je n'ai hélas, ou heureusement, rien à avouer.

 Je n'aurai jamais plus mes lunettes pour signer les procès-verbaux.

 - Vous n'avez pas avoué 3 crimes, vous pouvez donc signer, raille l'inspecteur.

 Je suis si las que je n'ai plus de ressort, je n'ai plus d'envie de résister, j'abandonne et signe encore sagement sans relecture.

 Me voilà à présent mis à la disposition de la Justice.

 Mon premier interrogatoire par le Juge d'instruction (qui me placera en liberté sous condition) me redonnera un peu le moral. Elle doit connaître la déclaration des droits de l'homme : " tout homme est présumé innocent tant qu'il n'a pas été déclaré coupable " Peut-être y a-t-il eu inversion de mots dans le texte diffusé à la police, ou alors suis-je tombé sur des inspecteurs dyslexiques ?"

Notre ami exerçant la profession d'instituteur, est depuis ce jour interdit d'approcher des enfants par le juge d'instruction et donc d'exercer son métier.