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Enquêtes sociales 

Analyse approfondie :

Les 39 marches critiques sur les enquêtes sociales

 

L'enquête sociale (dans le divorce, les modifications après divorce ou procédures concernant l'enfant naturel) est basée sur l'article 287-2 du Code civil, mais aussi sur les articles 143 à 178 et 232 à 284 du N.C.P.C. régissant les enquêtes en général, c'est-à-dire les mesures d'instruction.

En substance (art. 287-2) : le juge peut donner mission à toute personne qualifiée d'effectuer une enquête sociale.

Celle-ci a pour but de recueillir des renseignements :

  • 1.- sur la situation matérielle et morale de la famille,

    2.- sur les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants,

    3.- et sur les mesures qu'il y a lieu de prendre dans leur intérêt.

  • A noter que le texte ainsi rédigé a été introduit dans la loi (ancien article 238 C.C.) par l'ordonnance du 12 Avril 1945, et a été reprise à l'article 287-1 par la loi de 1975, puis à l'article 287-2 en 1987.

    Bien que non citées expressément concernant l'enfant né hors mariage (art. 374 C.C.), les enquêtes sociales sont ordonnées suivant le même schéma selon l'habitude des j.a.f., mais elles devraient normalement faire référence aux articles 143 à 178 et 232 à 284 du N.C.P.C.

    Nos critiques vont dans quatre directions :

    1.- Les enquêtes sociales sont le reflet d'idées traditionnelles.

  • 2.- Les techniques des enquêtes sociales desservent les enfants.

    3.- Les enquêtes sociales sont contraires à la loi (N.C.P.C.).

    4.- Les enquêtes sociales servent le conflit et non le consensus.

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    1.- Les enquêtes sociales sont le reflet d'idées traditionnelles

    1.1.- L'enquêteur social écrit dans son rapport "ce qu'il pense" et non ce qu'il observe, puisqu'on lui demande de donner son avis, et bien souvent la principale critique à faire est d'ordre idéologique : les enfants devraient être confiés à leur mère, et ceci d'autant plus s'ils sont en bas âge. L'enquêteur reflète plus souvent une socio-culture désuète qu'une vérité scientifique, d'ailleurs non publiée et en pleine évolution.

    1.2.- L'enquête sociale est contraire à la liberté individuelle et au respect de la vie privée, hors les cas flagrants d'atteinte à l'ordre public et à la sauvegarde des enfants (ce qui concernerait alors plus le juge des enfants). Tant que l'enquêteur est à la recherche d'indices pouvant lui permettre de donner son avis pour privilégier l'une des relations parentales plus que l'autre, cela créé des tensions inutiles, car il est insoutenable pour un parent de s'entendre dire qu'il n'est pas suffisamment bon pour l'enfant ou que l'autre est "mieux" pour assurer le quotidien, car c'est alors une concurrence exclusive.

    1.3.- D'après les textes et les habitudes judiciaires, il serait de l'habituel "intérêt de l'enfant" d'être confié à un seul des deux parents ! Ceci n'est qu'une idée dépassée correspondant à une ancienne époque où l'on voudrait que l'enfant n'ait été élevé que par sa mère ou à défaut par une femme ou par le parent "non fautif". Les hommes et les femmes d'aujourd'hui vivent beaucoup plus dans un système égalitaire sans discrimination, tandis que le divorce et "la famille" apparaissent être le dernier bastion refuge des inégalités sociales et juridico-judiciaires, et même le reflet des tensions sociétales.

    1.4.- Il faudrait définir ce qu'est l'intérêt de l'enfant ou les intérêts de l'enfant. Pour nous, l'intérêt primordial de l'enfant est de garder ses deux parents, et les institutions devraient y concourir. L'enfant a besoin de stabilité affective, du maintien de la continuité de ses repères où les deux parents doivent être dans une relation égalitaire, par principe, sans discrimination, sans déséquilibre des pouvoirs entre eux, sans que l'enfant ne devienne ni un enfant-chantage, pas plus un enfant-otage, ni encore un enfant-marchandage. Il est urgent d'éliminer toutes les exceptions à l'exercice en commun de l'autorité parentale.

     

    2.- Les techniques des enquêtes sociales desservent les enfants

    2.1.- Il y a tout d'abord une ambiguïté dans le texte entre ce qui relève d'une observation ou d'une objectivité (renseignements sur la situation matérielle de la famille, sur les conditions dans lesquelles vivent et sont élevés les enfants) et sur ce qui est totalement subjectif (sur la situation morale, sur les mesures qu'il y a lieu de prendre dans leur intérêt) qui relève beaucoup plus de l'opinion de l'enquêteur. C'est la confusion entre les faits observés et les possibles idées préconçues de l'enquêteur.

    2.2.- Souvent les enquêtes ne font que rapporter les paroles de l'un et de l'autre des parents, sans vérification, et l'on constate que ce ne sont que "ragots" et "rumeurs" que l'on a déjà l'habitude de rencontrer dans les procédures, bien souvent seulement pour justifier l'idéologie traditionnelle où il faut confier les enfants à la mère. Cela renforce les tensions et les oppositions dans le couple, et cela se répercute sur les enfants.

    2.3.- L'enquêteur serait une "personne qualifiée", or nous avons diverses interrogations qui restent sans réponse :

  •  
  • - Quelle formation ? Quels diplômes ?

    - Quelles compétences ? Quelle spécificité ?

    - Quel statuts ? Quelle déontologie ?

    - Quels contrôles professionnels ?

    - Quelles supervisions ?

    - Quels sont les critères de recrutement, d'agrément ?

    - Quelles garanties pour les parents ?

    - Quelle responsabilité individuelle vis-à-vis de ses paroles et de ses écrits ?

  • 2.4.- Quelles sont les compétences tout à fait particulières pour écouter les parents, et surtout écouter les enfants, faire un rapport objectif sans envenimer les tensions, etc., sans partialité ?

    2.5.- L'écoute de la parole des enfants par l'enquêteur est un des principaux problèmes. Là où un psychologue ne se hasarderait pas à la retranscrire, les enquêteurs se permettent très rapidement, sans entretien approfondi, des interprétations dangereuses pour l'enfant et son avenir.

    2.6.- Il n'y a pas de règles établies et reconnues pour faire de tels rapports ou même pour faire le travail d'enquête. Souvent, la 1ère partie est un peu la situation et l'état civil, qu'on retrouve par ailleurs dans le dossier judiciaire ; la 2ème le reflet des entretiens et des paroles de chacun, y compris des enfants, ce qu'on retrouve aussi dans le dossier présenté en justice ; la 3ème, en conclusion, l'opinion de l'enquêteur qui devient déjà un préjugement sous le couvert d'un "avis" et qui relève plus d'une opinion de nature psychologique que d'une observation.

    2.7.- Sur la dépendance entre enquêteurs et juges, il est très classique de dire, même si c'est un peu caricatural, que l'enquêteur répond après coup (après une décision du j.a.f.) à la demande du juge, ainsi que le juge choisit bien l'enquêteur à qui il va confier une mission en fonction du résultat qu'il attend.

    2.8.- Quand il y a une décision de justice préalable, l'enquête sociale entérine souvent l'état de fait qui est aussi souvent soit le résultat d'un coup de force (déménagement avec les enfants par exemple), soit la conformité à la décision de justice et sa continuité statuant sur l'exercice de l'autorité parentale et sur la résidence habituelle.

    2.9.- Comment faire une enquête sur le père (ou la mère) lorsqu'il (elle) se trouve mis à la rue, sans logement propre, parfois même ordonné par la même décision de justice missionnant l'enquête sociale ?

    2.10.- La durée des enquêtes sociales (plusieurs mois) conforte l'état de fait, et les avocats, qui le savent bien, en usent beaucoup.

    2.11.- L'enquête sociale donnera un rapport déséquilibré si d'un coté l'un des parents est entendu en présence des enfants dans sa maison, tandis que l'autre parent est esseulé, sans enfant dans sa vie quotidienne.

    2.12.- Les enquêtes sociales qui ne devraient être qu'un "cliché" à un moment donné de la vie du couple séparé, ont des incidences persistantes et sont souvent reprises plusieurs années après pour continuer à critiquer, culpabiliser l'un des parents et à le marginaliser de la vie des enfants.

    2.13.- Les enquêtes sociales sont chères et trop souvent l'obligation de la payer en est faite aux pères avec les dépens. Les prix des enquêtes varient en moyenne entre un demi salaire et un salaire, et cela constitue un appauvrissement supplémentaire sans compter les frais d'avocat nécessaire à l'étude de l'enquête sociale et à la préparation de l'audience, hormis évidemment les cas pris en charge par l'aide judiciaire. De plus, la contestation, a priori, sur le coût des enquêtes sociales est quasiment impossible, car le montant définitif n'est jamais donné au début, et, en outre, les parents sont dans l'ignorance complète que ce sera à eux de la payer !

    2.14.- La dérive psychologique des enquêtes sociales peut s'expliquer d'une part par un vieux texte de 1945 (sic) qui les incite à prendre position avec une connotation "morale" mais qui ne devrait plus avoir cours aujourd'hui, et d'autre part par l'ambiguïté du texte (voir ci-dessus 2.1.) qui oblige l'enquêteur à donner son avis. Il est vrai que certains enquêteurs ne tombent pas dans ce travers et en donnant leur avis indiquent bien qu'il faut que l'enfant vive un plan d'accueil équilibrée avec les deux parents, en s'abstenant de donner un avis juridique sur le principe de l'exercice de l'autorité parentale.

    2.15.- De plus en plus de psychologues ou thérapeutes (dont le statut n'est pas défini) en arrivent à faire des enquêtes sociales, et ils ne peuvent s'empêcher, vu leur formation, de donner des interprétations souvent partiales plutôt que des observations. Ils s'éloignent alors d'une façon grave vers une prise de pouvoir là où il ne leur était demandé que de faire des constatations. Psychologues d'origine (lorsque c'est le cas), ils en viennent à transgresser les règles de cette profession pour devenir des psycho-juges, et ainsi donner des directives et faire des préjugements.

    2.16.- Les expertises médico-psychologiques ou médico-psychiatriques représentent les mêmes dérives, d'autant plus que le débat parlementaire de 1975 avait formellement exclu de tels recours. Les expertises d'ailleurs sont moins nommées par rapport à des cas ressentis comme pathologiques par le juge, mais plutôt lorsque le désaccord parental persiste au delà de l'enquête sociale, comme pour donner une caution pseudo-scientifique à ce qui apparaît n'être alors qu'une "super-enquête sociale". On pourrait admettre cette pratique des expertises seulement limitée à des cas posant réellement problème et touchant au domaine pénal ou à l'ordre public. Là encore une médiation familiale représente une bien meilleure efficacité, quitte à l'ordonner, pour laisser les parents gérer leurs difficultés relationnelles. et les laisser dans le système de communication qui est le leur.

     

    3.- Les enquêtes sociales sont contraires à la loi (N.C.P.C.)

    3.1.- En premier lieu, signalons que la possibilité de retirer l'exercice de l'autorité parentale à l'un des parents est contraire l'article 286 C.C. qui de fait ne prône la continuité des droits et des devoirs que pour enlever des droits et des devoir à l'un des parents...

    3.2.- L'enquête est superflue lorsque au moins l'un des parents apporte les preuves nécessaires (N.C.P.C.: art. 144, 146, & 263 pour l'expertise).

    3.3.- Les enquêtes sociales sont souvent aussi chères qu'inutiles (art. 147 N.C.P.C.).

    3.4.- Les enquêtes sociales ne sont pas contradictoires dans le sens où, très souvent, il n'y a pas ni vérification ni preuve, alors que l'enquête elle-même devient une pièce plus probante pour le juge qu'aucune autre preuve du dossier. La présence d'un tiers pour assister une des parties est toujours refusée bien que légale (art. 161 & 162 N.C.P.C.).

    3.5.- Malheureusement certains avocats ne transmettent pas copie du rapport d'enquête sociale, empêchant leur client d'y répondre (art. 173 N.C.P.C.).

    3.6.- Les enquêteurs sont souvent de parti pris concernant les rôles et places des père et mère, et donnent leur opinion (art. 237 N.C.P.C.).

    3.7.- Les enquêteurs abordent souvent des questions qui sont hors sujet sur la vie et le passé du couple, sans doute en croyant bien faire pour donner un avis fondé, mais ils sortent de la mission de constatation qui leur est demandée (N.C.P.C.: art. 238, 2ème alinéa du 244, et 247). Si leurs observations. les amènent à penser que les parents sont très bien tout deux pour élever les enfants, ils doivent le dire ainsi, et non pas chercher un autre argument pour justifier l'exclusion d'un des parents de ses responsabilités ainsi que de la vie quotidienne des enfants.

    3.8.- Il ne devrait jamais leur être demandé de prendre position sur la question juridique de l'autorité parentale et son exercice (art. 238 N.C.P.C. et 249).

    3.9.- Le 3ème renseignement demandé à l'article 287-2 C.C.: "sur les mesures qu'il y a lieu de prendre dans l'intérêt des enfants" est en contradiction totale avec le 2ème alinéa de l'article 249 N.C.P.C., et il faudrait supprimer l'avis demandé à l'enquêteur dans l'art. 287-2.

    3.10.- Il ne peut leur être demandé de concilier les parents ni même de faire une médiation qui correspond à un processus spécifique (art. 240 N.C.P.C.).

    3.11.- Parfois, nous trouvons des personnes citées sans l'indication des noms et références, adresse, etc., donc pas de contestation possible (art. 242 N.C.P.C.).

    3.12.- L'enquêteur devrait communiquer les pièces qui lui sont remises ou qu'il obtient (N.C.P.C.: art. 244, 253, 273 & 276 pour l'expertise), ce qui est rarement fait.

     

    4.- Les enquêtes sociales servent le conflit et non le consensus

    4.1.- Les enquêtes sociales sont blessantes car reprennent des détails du passé du couple, qu'il avait enfoui ou mis à la corbeille, et qui ne font que réanimer des différends qui étaient plus ou moins réglés. Certains détails, vrais ou faux, font ressortir un peu ou beaucoup de culpabilisation sur le passé là où il faudrait apaisement et aller vers l'avenir. On est face à la recherche "à-tout-prix" d'arguments pour avoir raison ou tout au moins pour ne pas avoir tort.

    4.2.- L'enquête sociale est souvent ordonnée comme réponse à un désaccord du couple, or l'enquête sociale ne règle en rien (contrairement à la médiation familiale) ces désaccords, et même envenime les difficultés. L'enquête sociale concourt à l'aspect oppositionnel ou conflictuel en prenant parti.

    4.3.- Toute enquête sociale qui va inciter à la déresponsabilisation d'un des parents accentue l'aspect conflictuel des rapports entre les parents et accentue les rapports de force, tant pour celui qui se sent délaissé et marginalisé que pour l'autre qui en obtiendra plus de pouvoir.

    4.4.- L'enquête sociale est contraire à la liberté individuelle et au respect de la vie privée (voir ci-dessus 1.2.). Toute atteinte engendre un mouvement de défense ou de révolte qui va accentuer les difficultés du couple parental.

    4.5.- La moindre petite erreur, et il y en a souvent beaucoup, dans le rapport de l'enquête sociale va être amplifiée par celui qui s'en sent victime, et l'autre parent s'en réjouira sans doute.

    4.6.- Le rapport d'enquête sociale va renforcer le sentiment de puissance de l'un au détriment de l'autre, et un accord sera encore plus difficile à trouver.

    4.7.- D'autres et de nouvelles solutions existent, principalement les pratiques de médiation familiale, et il faut les préférer. La médiation familiale va atténuer plutôt qu'enrichir le conflit. La médiation familiale ne prend pas partie contrairement à l'enquête sociale qui déséquilibre. La médiation familiale permet aux parents de gérer leurs désaccords sans décisions autoritaire extérieure. La médiation familiale est hors du système judiciaire, donc apporte moins de craintes. La médiation familiale ne coûte pas plus qu'une enquête sociale.