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Une interview dAldo
Naouri dans " Femme Actuelle " N°684
Le spécialiste du retour au père traditionnel, autoritaire
envers sa femme et ses enfants, absent et remplaçable.
Un de nos adhérents, Eric Martel répond.
Femme Actuelle : Bien sûr, il fait germer la graine
(sic), mais ensuite? Quel rôle joue réellement
le père dans le développement de lenfant ?
Dr Aldo Naouri. : Un rôle
fondamental qui est le contrepoint absolu de celui que joue la
mère. Le rôle de la mère, qui a commencé dès la grossesse,
est de donner satisfaction à tous les besoins de lenfant.
Ce qui est totalement nécessaire dans les tout premiers mois de
la vie où lenfant na aucune autonomie mais qui
savérerait nocif à long terme dans la construction même
de cette autonomie si le père nintervenait pas. Cest
là son rôle. Sinterposer entre la mère et lenfant,
casser la logique de cette relation fusionnelle.... Il est celui
qui aide à quitter le refuge, qui prépare lenfant au
monde, et le contraint à avancer, le mur où cet enfant peut
appuyer son échelle pour grimper vers la vie.
En somme, le père traditionnel, mais valorisé. Cest ensuite que cela se gâte :
F.A: Dans les cas de ce que lon appelle
" les familles recomposées ", qui est le
père? Le géniteur (sic) ou celui qui vit avec lenfant ?
Dr A.N. : Qui a fonction
de père dans la tête de la mère? A qui
reconnait-elle un droit de regard sur ses relations avec son
enfant? Cest celui-là le père. Tout
enfant a trois pères : un père géniteur, un père
social _ celui qui layant reconnu est reconnu à son tour
par la société comme père, contraint à un certain nombre de
devoirs à légard de son enfant (pension alimentaire,
héritage...)_ et un père fonctionnel, celui qui remplit la
fonction de père.
Ces trois pères peuvent
nen faire quun. Ou pas. Quel est celui
qui exerce la fonction paternelle? Celui que la mère
a élu, à condition toutefois quelle lui
reconnaisse une vraie place et que lui laccepte.
Lécueil, justement, cest que la mère profite de
cette situation brouillée pour détruire limage de
lhomme en général et se positionne comme seule source
dautorité auprés de lenfant.
F.A. : Linstinct paternel existe-t-il et est-ce lui
qui pousse le père à jouer son rôle ?
Dr A.N. : On ne peut
pas parler dinstinct paternel, comme on a
beaucoup parlé de linstinct maternel.(...)Dans les
premiers temps, son amour pour lenfant se confond avec
lamour conjugal. Cest parce quil aime la femme
qui lui donne cet enfant quil va sinvestir peu à peu
dans sa paternité, tisser des liens affectifs avec lenfant
et jouer vis-à-vis de lui son rôle de père. Certains refusent
de sinvestir. Dautres restent indifférents. Tout
dépend aussi de la façon dont le père a vécu la relation avec
son propre père.
F.A.: Que représente le père pour lenfant ?...
Dr A.N. :...cest
dans sa mère que lenfant découvre son père...De
toute façon, il nen a pas besoin concrètement.
Il est comblé par sa maman....Jinsiste sur ce point : ce
qui fait un père, ce nest pas le fait
quil y ait un homme présent à coté de la mère.
Cest que cette mère reconnaisse cet homme comme père,
cest-à-dire quelle lui accorde le droit de limiter
sa toute-puissance maternelle, de jouer son rôle séparateur.
A partir de là, comment va
réagir lenfant? Comme on réagit face à un
intrus! Fille ou garçon, tout enfant commence par
détester cet empêcheur de danser qui brise son tête-à-tête
privilégié avec sa mère.
F.A. : Pourtant, tout petit déjà, lenfant manifeste
des marques dattachement à son père.
Dr A.N. : Oui,
parce que sa mère est daccord, parce que cest son
souhait, parce quelle veut bien le laisser être son
substitut. Et comme le sentiment de la mère à
légard du père persiste (sil persiste),
lenfant finit par en prendre son parti. Il
compose avec le père, le garçon en cherchant à
sidentifier à lui, la fille en tentant de le séduire.
(...)
F.A. : Quelles sont les conséquences de labsence du
père pour lenfant ?
Dr A.N. : Il faut
sentendre sur le terme absence. Il y a absence de père
quand il ny a personne pour remplir la fonction paternelle,
cest-à-dire personne pour faire obstacle à la toute
puissance maternelle. Or, on la vu, ne peut faire obstacle
que celui à qui la mère reconnaît ce droit. Partant de là, on
peut comprendre que la présence réelle, effective,
du père aux cotés de lenfant nest pas absolument
indispensable. Sil est vraiment présent dans
les pensées et les comportements de la mère, il peut être loin,
jamais là, mort même, il remplit tout
de même sa fonction paternelle. En revanche,
sil nest pas aimé et que son autorité est
intérieurement déniée par la mère - même si elle ne le
manifeste pas ouvertement, il peut être présent tous les jours,
il est absent quand même car il ne peut pas remplir sa fonction
paternelle.
F.A. : Quelquun dautre que le père peut-il
remplir sa fonction ?
Dr A.N. : Oui,
car cest une fonction, disons atomisable. Nimporte qui peut la remplir (un oncle, un
professeur, un ami de la famille, une grand-mère même...)
à partir du moment où la mère reconnaît à cette personne le
droit de sinterposer entre elle et son enfant, où elle
sincline dans les limites quon lui impose. Même un
gardien de square qui interdit de monter sur les
pelouses, un agent de police qui nautorise pas à traverser
à tel endroit ont une fonction paternelle. Disons quils
sèment une espèce de poussière de fonction paternelle, la dose
minimale pour que lenfant ne devienne pas fou. Mais ce
droit partiel accordé à lautre par la mère (ou subi par
elle) est bien entendu insuffisant (...). La relation avec la
mère est si intense, si viscérale ! Pour que lenfant
parvienne à se détacher, il faut que la mère soit
elle-même liée par un lien puissant à celui qui
sinterpose.
F.A. : Lévolution de nos sociétés pousse les
pères vers le maternage. On a vu apparaître les papas poule.
Est ce positif ou négatif pour le développement de
lenfant ?
Dr A.N. : Il ny a,
à priori, aucun obstacle à ce que le père partage les tâches
maternelles. Le danger, cest quil
devienne une mère bis (...) Lévolution des
moeurs lui permet aujourdhui de croire quil peut le
faire en devenant une mère de remplacement. Mais sil le
devient, où lenfant trouvera-t-il cet autre pôle, inverse
à celui de la mère, qui lui permettrait de se situer entre les
deux et de faire son chemin?
F.A. : Lautonomie grandissante des femmes contribue,
semble-t-il, à diminuer limportance du rôle du père.
Quelles conséquences en attendre ?
Dr A.N. : Nous vivons
effectivement dans une socièté qui manque de père et
cest la cause de son désarroi actuel. Sous préteste du
rejet de lantique " Pater Familias ", lautorité
paternelle est aujourdhui battue en brêche, et pas
seulement par les femmes.(...). Les pères
préfèrent plutôt endosser un rôle de copain à légard
de leurs enfants. Leurs positionnement de mère est encouragée
par notre société de consommation. Celle-ci crée sans cesse de
nouveaux besoins et nous incite chaque jour à les satisfaire
(...). De ce fait notre société est devenue tres
maternante.(...) Si lon veut sen sortir, il faut que
les pères réintégrent leur place afin que les enfants, moins
maternés, apprennent à composer avec ladversité et la
non satisfaction.(...)
Le vendredi 14 novembre 1997 Eric MARTEL
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