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LA JUSTICE FAMILIALE EN CHANTIER !

Suite à l' intervention de Jacques CHIRAC, le 20 janvier 1997

Enfin, un Président de la République dénonce le mauvais fonctionnement de la justice ! et, de plus, sa volonté d'y remédier. Nous approuvons beaucoup de phrases de Jacques Chirac... par contre, il est tout de même curieux que l'ensemble des journalistes se soient seulement focalisés sur "les affaires" dont on parle beaucoup, plutôt que les affaires familiales pourtant citées qui représentent pourtant les 2/3 des affaires en cours devant les tribunaux de grande instance, où il y a tant d'injustices et de mécontentements des français.

La question la plus importante soulignée par la presse est celle de l'indépendance des magistrats vis-à-vis du pouvoir politique, qui pourtant ne concerne que peu de personnes, peut-être quelques dizaines, tout au plus. Par contre, les centaines de milliers de personnes concernées par l'injustice quotidienne que notre Président vient de dénoncer... personne, dans les journaux, n'en reprend le flambeau !

Si l'on ne prend que les divorces, il s'agit de 170 000 à 180 000 nouvelles demandes chaque année qui sont traités à la fois trop rapidement... et trop lentement. Trop rapidement pour prendre une décision en dehors de tout dossier lors de l'audience de tentative de conciliation, et trop lentement pour la suite de la procédure qui dure plus d'un an, des années. Trop rapidement pour évacuer l'un des parents de la vie des enfants, presque toujours le père ; trop lentement pour maintenir ou rétablir les liens pères-enfants déconsidérés dans nos chambres et couloirs de tribunaux.

Quant à la présomption d'innocence non respectée citée par Jacques Chirac, nous avons aussi à en parler ! Il suffit que les mères accusent leur ex de violence ou même d'attouchement (c'est de plus en plus courant !), pour que les pères soient immédiatement mis à distance ou même mis en prison : ils "bénéficient" d'une "présomption de culpabilité". Mais, là, personne n'en parle... D'ailleurs, dans le divorce lui-même, c'est pareil : le mari-père est très souvent considéré comme coupable de quelque chose, de n'importe quoi ayant fait du mal à sa femme, alors que la femme-mère est vue comme innocente, vierge, peut-être sainte...

Si l'on considère les parents non mariés, c'est la même justice baclée.

Oui, monsieur Chirac, il faut refonder la justice.

Comment accepter que pour un simple divorce il faille dépenser de un à deux salaires ? et ceci même quand il n'y a pas de complication.

Oui, monsieur Chirac, les français ne comprennent pas ce qui se passe dans une procédure, alors qu'il s'agit de demandes simplement humaines : voir leurs enfants, vivre avec eux dans une société d'égalité, d'égalité de droit entre les hommes et les femmes. Ils veulent que ni les juges ou ni les avocats ne compliquent les choses, alors que nous savons tous qu'une séparation est déjà si délicate, si fragile.

1.- Monsieur Chirac, nous faisons une petite proposition, évidente d'ailleurs, que personne ne peut dénier : inscrivons dans la loi que les juges ne doivent pas prendre de décision sexiste, pas prendre de décision discriminatoire ni vis-à-vis des femmes, ni vis-à-vis des hommes, comme c'est écrit dans la loi californienne qui a déjà vingt ans ; les juges ne doivent prendre aucune décision sur des stéréotypes sexistes, ni quant à la place des enfants, ni quant aux questions financières entre les deux parents !... et ainsi les enfants seront mieux gardés.

2.- La meilleure façon d'alléger les procédures et de les simplifier, mais aussi de les éviter si possible, c'est de mieux garantir les droits et les libertés de chacun dans les textes de loi eux-mêmes : s'il était écrit que l'enfant a droit à ses deux parents, et qu'aucun d'eux n'a le droit de l'enlever à l'autre, et surtout a l'obligation de respecter l'autre parent (ce qui est aussi respecter l'enfant lui-même), cela supprimerait bien des procédures.

Dans un premier temps abrogeons complétement l'article 374 du code civil. Supprimons toutes références sexistes des lois, décrets et circulaires. Inscrivons même partout dans les textes la coparentalité. Complétons les droits, devoirs et responsabilités familiales. Nous le savons : plus les droits seront garanties par la loi, moins il y aura de procédures.

3.- Refondons la justice, monsieur le Président, avec une autre proposition que nous faisons déjà depuis longtemps, et qui colle à vos propos : déjudiciarisons le divorce et supprimons le divorce-faute. Le consentement mutuel n'a nullement besoin d'un contrôle à priori et embarrasse les tribunaux ; il peut être enteriné par l'officier d'Etat civil comme c'est le cas dans différents pays européens. Quant au divorce-faute, il faut le supprimer, il ne fait que brouiller les relations entre les parents et compliquer les procédures dans lesquelles la vieille réforme de 1975 n'a pas permis d'avancer. Plutôt que pousser les époux à remuer le couteau dans la faute, il vaut mieux les aider à bien faire la distinction entre leurs relations parentales et leurs relations conjugales, et trouver leur solution propre ; en cela le fonctionnement judiciaire ne les y aide pas beaucoup. Sans doute, faut-il parallèlement réfléchir à l'évolution du contenu du mariage !

4.- Nous sommes d'accord avec vous : le juge doit pouvoir se consacrer à ses missions essentielles, il doit statuer dans le cadre de la loi, dans un souci d'égalité, sans discrimination. Pour décharger le juge de des aspects des divorces ou séparations plus d'ordre psychologique que juridique, il vaudrait mieux orienter les parents vers un médiateur familial qui ne prend pas de décision mais qui aide les parents eux-mêmes. Ainsi, nous faisons la proposition de supprimer la tentative de conciliation, qui se transforme donc en médiation familiale, dans d'autres lieux évidemment où il existe des organismes de médiation familiale et il faut en créer d'autres, partout en France.

Nous pourrions, en vérité, n'envisager qu'un seul type de divorce : celui qui serait demandé par l'un ou par les deux, et entériné à la mairie, à condition que les conséquences en soit réglées. S'il y a des désaccords, l'institution judiciaire serait toujours là en dernier recours, après la médiation familiale. D'ailleurs, cela pourrait se passer comme pour la liquidation des biens : elle n'est prévue que sur accord dans un premier temps, y compris devant le notaire si nécessaire, et ce n'est qu'après de multiples tentatives de négociation que la procédure est envisagée, cependant bien peu y recourent.

5.- Epargons les enfants des différends conjugaux, évitons que les enfants ne soient mélés aux tensions et aux difficultés du couple, mettons les enfants à l'abri de leurs pressions : arrêtons de transformer l'enfant en juge en le poussant, sinon en le forçant à prendre parti "pour" l'un, c'est à dire "contre" l'autre. Arrêtons d'écouter l'enfant dans le divorce ou la séparation de ses parents. Même s'il arrive que la question ne soit pas aussi explicite, lui demander avec lequel de ses parents il veut continuer à vivre, c'est lui demander d'exclure l'autre ! Alors que tous les psychologues, toutes les théories et hypothèses montrent bien que l'enfant a besoin de ses deux parents, et ce n'est pas de trop. De plus, le parent qui dans un premier temps est peut-être un peu moins proche (on dit que c'est souvent le père) a bien besoin de venir le séparer de l'autre (bien souvent la mère) pour couper le cordon ombilical, la symbiose, le continuum biologique, et l'ouvrir au monde, et c'est l'intérêt de l'enfant. Ceci sans oublier toutes les pressions dont l'enfant est l'objet tout au long de la séparation : il subit malheureusement souvent un véritable harcellement qui l'entraine dans un conflit de loyauté dans lequel il se perdra. Laissons à l'enfant vivre son enfance, et laissons le à l'écart des disputes des adultes.

6.- Enfin, bien sûr, il faut simplifier les procédures afin qu'elles respectent mieux les droits de chaque parent et des enfants. Une requête simple devrait suffire pour les différends familiaux, en dernier recours, après une médiation familiale, comme c'est déjà le cas pour les situations post-divorce ou questions portant sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale. La dispense d'avocat devrait être généralisée. Il faut des audiences en urgence, car l'enfant en a besoin, des audiences où les parents ont le temps de s'exprimer et être écoutés sans discrimination sexiste suivant les idées que les juges se font des rôles et places des hommes et des femmes.

7.- Mais encore, il faut aussi limiter les enquêtes sociales ou expertises qui cristalisent les difficultés des parents et les blessent à vie, sans compter leur coût exhorbitant : là encore, la médiation familiale est une bien meilleure solution.

Oui, monsieur le Président, les parents, les pères, les mères, les enfants sont à vos côtés, avec vous pour refondre et moderniser la justice qui en a bien besoin.

Le Bureau de la F.M.C.P.