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RÉFLEXIONS SUR L'AUTORITÉ PARENTALE ET SON EXERCICE

5 ANS APRÈS LA LOI DU 8 JANVIER 1993

L'autorité parentale est la dénomination légale actuelle de la notion de responsabilité des parents vis-à-vis de leurs enfants, incluant les droits et les devoirs ou diverses obligations. Elle est régie par le titre neuvième du code civil, articles 371 et suivants, ainsi que divers autres articles modulant ces règles de bases, en particulier les articles concernant le mariage et le divorce.

Le premier texte sur la "puissance paternelle" qui date du 24 mars 1803, indiquait "Le père exerce seul cette autorité durant le mariage", bien que l'enfant restait "sous l'autorité" des deux parents. La loi du 23 juillet 1942 indique (article 373 du code civil) : "Cette autorité appartient au père et à la mère. Durant le mariage, elle est exercée par le père en sa qualité de chef de famille".

L'ancien article 302 du code civil (loi du 18 avril 1886), dans le divorce, confiait "l'enfant" et non pas la "garde" à celui des deux parents qui avait "obtenu le divorce" (qui n'avait pas les torts), à moins que "pour le plus grand avantage des enfants" il en soit autrement, notamment en cas d'enquête sociale (ordonnance du 12 avril 1945).

La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 sur l'autorité parentale est venue préciser : "Pendant le mariage, les père et mère exercent en commun leur autorité" (art. 372 C.C.). Si les parents ne sont pas mariés et ont tous deux reconnus l'enfant, la mère exerce en entier l'autorité parentale. Dans le divorce, "l'autorité parentale est exercée par celui d'entre eux à qui le tribunal a confié la garde de l'enfant, sauf le droit de visite et de surveillance de l'autre" (art. 373-2 C.C.).

La loi n° 75-617 du 11 juillet 1975, concernant les procédures de divorce, a modifié les incidences du divorce sur les enfants en confiant leur "garde" à l'un ou à l'autre des époux, suivant leur intérêt : l'article 287 du code civil est venu remplacer l'ancien article 302 (déjà cité).

Depuis 1970, les pères avaient beaucoup de difficultés, dans les procédures judiciaires, à se faire reconnaître le plein exercice de l'autorité parentale, à égalité avec les mères, une fois divorcés ou non mariés. En effet, ce n'est que depuis la fin des années 70 que la "garde alternée" fit son apparition, et depuis le début des années 1980 qu'il a été possible, mais rare, d'obtenir une "garde conjointe", ceci et cela étant des pis-aller pour contourner les difficultés de l'écriture des textes qui font une distinction entre le droit lui-même (l'autorité parentale) et l'exercice du droit.

C'est sous l'action des pères, mais aussi des professionnels concernés que petit à petit la "garde conjointe" se développa : voir la lettre du M.C.P. à la Chancellerie de novembre 1981 et la réponse qui donna lieu à une circulaire en avril 1982, et par ailleurs les trois arrêts de la Cour de Cassation de 82, 83 et 87.

La loi du 22 juillet 1987 a ensuite modifié certains aspects de l'exercice de l'autorité parentale, en particulier en légalisant le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale dans le divorce et pour l'enfant naturel (enfant né hors mariage) ; et en supprimant le terme "garde" comme enjeu dans la séparation des parents, mais en la remplaçant par la notion de "résidence habituelle".

Puis, la loi du 8 janvier 1993 a généralisé le principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale dans le divorce et pour l'enfant naturel. Cependant, les juges aux affaires familiales ont toujours le pouvoir de refuser l'exercice en commun de l'autorité parentale lorsque la question leur est soumise. Par ailleurs, dans le cas de l'enfant naturel, si la loi de 93 indique le "plein droit" des pères, c'est toujours avec des restrictions de condition de cohabitation et de reconnaissance dans la première année.

Cependant, le père exerce de plein droit l'autorité parentale, en commun, dans la quasi totalité des cas, c'est à dire quand il rempli les conditions de la loi de 1993, à savoir :

- reconnaissance de l'enfant (cela établi la filiation) ;

- reconnaissance avant le premier anniversaire de l'enfant ;

- cohabitation (ou vie en commun, ou communauté de vie) au moment de la reconnaissance.

Dans le cas du "plein droit", le père n'a pas à justifier quoi que ce soit pour prouver qu'il exerce bien l'autorité parentale... puisque c'est de plein droit ! y compris devant une administration ou un organisme, surtout s'il est public. Ce serait plutôt à l'organisme de le savoir, ou d'essayer de prouver le contraire !

Néanmoins, si le père veut avoir une justification "judiciaire" de ce droit, il peut demander au j.a.f. (art. 372-1 du code civil, audience non contradictoire) un "acte de communauté de vie", mais celui-ci ne va pas indiquer explicitement qu'il y a exercice en commun de l'autorité parentale, et cela ne prouvera pas grand chose. Il reste alors deux solutions. Si la mère est d'acord, il faut faire une demande conjointe devant le greffier en chef du T.G.I., et celui-ci remettra un procès verbal. Si le mère n'est pas d'accord il peut être demandé au j.a.f. un "donner acte" de ce "plein droit" plutôt que de lui demander de statuer sur l'exercice en commun de l'autorité parentale... qu'il pourrait refuser ! Méfions-nous aussi d'une demande reconventionnelle qui tendrait à limiter le "plein" exercice de l'autorité parentale à la résidence inhabituelle de l'enfant style "1.3.5".

Mieux vaut le "plein droit" de l'exercice total et en commun de l'autorité parentale, plutôt qu'un exercice limité style "1.3.5" ! Et mieux vaut convaincre l'école, la crèche, etc. et même le commissariat, en expliquant avoir déjà l'exercice de l'autorité parentale de "plein droit" ! Voir à ce propos l'imprimé F.M.C.P.

Dans l'aspect concret de chaque situation, l'enfant reste sous l'autorité du parent qui "détient" la "résidence habituelle" si une décision judiciaire la lui a confiée, et de ce principe de droit, l'autre parent est rejeté, sinon exclu, des droits, devoirs quotidiens et responsabilités habituelles vis-à-vis de l'enfant. Les notions de résidence habituelle, à l'un des parents (ce parent devient ainsi le parent habituel) et, à l'autre, de droit de visite et d'hébergement (aspect un peu de type carcéral) vide de son sens l'exercice en commun de l'autorité parentale.

Redonner un sens à la parentalité de chaque parent, serait reconnaître le droit de chacun à habiter avec son enfant, le faire vivre sous son toit, sans quoi la responsabilité est illusoire : comment exercer l'autorité parentale à distance, lorsque l'enfant est chez l'autre parent ? sinon par délégation, par délégation judiciaire... et c'est une sorte d'abandon forcé.

Dans le divorce et la séparation, le vrai exercice en commun de l'autorité parentale devrait aller de pair avec la reconnaissance de la double résidence de l'enfant ! D'ailleurs, ce serait là simplement reconnaître les droits de l'enfant : le droit de l'enfant à ses deux parents, le droit de l'enfant à vivre auprès de chacun d'eux et à ne pas en être séparé, même en cas de séparation des parents, le droit de l'enfant à pouvoir bénéficier de ce que chacun d'eux peut lui apporter. N'est-ce pas là l'essentiel de l'identification nécessaire de l'enfant, et de son intérêt !

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