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A Paris, le 26 septembre 1999,

Communiqué de presse du Nouveau Mouvement de la condition Paternelle (NMCP) à propos du rapport du groupe de travail présidé par F. Dekeuwer-Defossez au Garde des Sceaux concernant la "rénovation" du droit de la famille.

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"Rénovation", "toilettage des textes" : de fait, une première approche du rapport de la commission ne peut que décevoir ceux qui espéraient l'esquisse d'une réforme en profondeur.

Les affirmations fortes se bornent aux grands principes : les parents gardent les mêmes droits et devoirs après la séparation qu'avant, le père et la mère sont égaux...

Quant aux propositions concrètes, elles sont trop souvent frileuses, malgré quelques avancées réelles, mais aussi des reculs.

C'est bien ce qui ressort, à propos des deux objectifs essentiels, selon nous, de toute réforme : la résidence paritaire, la pacification des séparations.

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1-3-5 ça suffit ! Résidence paritaire !

Le maintien de liens affectifs et éducatifs forts entre les parents et les enfants, nécessaire à l'équilibre et à l'avenir de ces derniers, ne peut se réduire au principe de l'exercice en commun de l'autorité parentale : celle-ci est alors un leurre, comme l'expérience actuelle le prouve, avec l'insupportable "SMIC paternel" : 1er, 3ème, 5èmeweek-ends et moitié des vacances.

Sur ce point, la Commission souhaite faire sauter un verrou, celui de l'article 287 du Code Civil, en proposant de ne plus obliger le juge à fixer une résidence principale pour l'enfant.

Mais elle se refuse à assumer de façon cohérente le principe de coparentalité qu'elle affirme haut et fort par ailleurs, et qui impliquerait d'inscrire dans la loi que la résidence paritaire (supposant un temps d'hébergement partagé à parts égales entre les père et mère) est la règle, le droit commun, à laquelle il ne pourrait être dérogé que par accord explicite des deux parents.

D'ailleurs, l'ensemble du rapport est pollué d'expressions malencontreuses et rétrogrades utilisées de manière non critique, telles que "famille monoparentale", "parent qui vit avec l'enfant", "prétendus droits des pères"... On aurait pu espérer que l'acceptation sociale et politique de plus en plus large du principe de parité entre hommes et femmes se marquât sans faille dans le langage de la rénovation du droit de la famille...

Ces inconséquences se répercutent et se retrouvent dans d'autres aspects essentiels pour nous des positions de la Commission : celles qui concernent la pacification des séparations et la responsabilité des parents dans ces circonstances

Non au divorce-guerre ! Médiation et responsabilité !

S'il est un objectif à atteindre en matières de séparation des couples (mariés ou concubins), c'est bien celui d'aider leurs membres à dépasser les rancœurs ex-conjugales afin de construire un accord parental.

Notons tout d'abord que le principe de l'hébergement paritaire contribuerait puissamment à cet objectif, en éliminant d'emblée ce qui constitue un enjeu essentiel des déchirements au cours des séparations et après, à savoir : avec lequel des deux parents l'enfant va-t-il vivre, et lequel se verra marginalisé dans l'étroit espace des "visites" ?

Concernant les modalités proprement dites de séparation, la Commission propose d'introduire explicitement la Médiation, mais de façon très marginale, ou sans obligation ; alors que la Médiation Familiale devrait être l'axe d'une recherche d'accord parental dans un contexte de pacification.

Par ailleurs, le divorce non judiciaire est écarté par la Commission alors qu'il est clair que la voie judiciaire ne donne aucunement la garantie d'efficacité (en quinze minutes d'audience ?) ou de "protection du plus faible" (puisque les pères sont privés de la vie avec leurs enfants dans plus de 85% des cas) qu'elle lui attribue.

En revanche, une procédure telle que le divorce pour faute, que le rapport critique pourtant vigoureusement ("comédie judiciaire... entretenant la haine et les rancœurs...") serait maintenue avec quelques aménagements, alors que, malgré les rares avantages que peuvent lui trouver quelques personnes, ses inconvénients pèsent incomparablement plus lourd (y compris en attirant des divorçants, au détriment des démarches moins conflictuelles), et doivent conduire à l'écarter.

Il est enfin un point qui, sous des dehors modernistes, traduit, en réalité un recul des conceptions familiales : la Commission propose de systématiser l'écoute des enfants lors des séparations. Voici donc, comme le montrent d'ores et déjà des expériences actuelles, ces derniers exposés aux pires manipulations, tenaillés par la culpabilité d'avoir contribué à rejeter un de leur parent, ou alors placés par le juge en situation de toute puissance face à leurs pères et mères : que de drames psychologiques et éducatifs en perspective ! Certes, l'enfant est une personne, mais, face au conflit conjugal, il appartient aux institutions de favoriser la responsabilité des parents, et non de se défausser sur la parole d'enfants dont, malgré des proclamations de principe, on bafoue ainsi le droit à l'enfance.

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Il importe donc que la volonté politique permette maintenant une véritable Réforme de la Justice Familiale, en faisant déboucher des velléités trop souvent réfrénées. Les lois doivent être mises en accord avec les principes, traduisant sur le plan familial les aspirations sociales à plus d'égalité entre hommes et femmes, entre pères et mères, dans l'intérêt véritable des enfants.