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Extraits de la réponse de Monsieur Lionel JOSPIN à la
"
Lettre ouverte aux Candidats de l'an 2000" 

Nota bene : la mise en gras de certains mots est de nous.


LJ/PC/MVW/FA/N°1138/N°2748

Paris le 30 mai 1997

  • Monsieur Emmanuel VALETTE
    Président
    Nouveau Mouvement de la
    Condition Paternelle 
  •  

    Monsieur le Président,

    Vous avez bien voulu m'adresser un certain nombre de questions ayant trait essentiellement à la condition paternelle. J'en ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt et vous en remercie sincèrement.

    Vous déplorez l'insuffisante représentativité des élus et posez fort justement la question : quelle représentativité pour quelle démocratie ?". Je pense que notre système politique actuel empêche l'expression normale de la souveraineté populaire. Ainsi la France est le pays des longs mandats, lesquels sont trop souvent de surcroît cumulés. C'est aussi le pays de trop nombreux scrutin indirects. Tous ces facteurs sont autant de tamis qui atténuent ou détournent la volonté populaire. A cette addition de facteurs, s'ajoute le poids du scrutin majoritaire qui écrase les minorités et la quasi-absence des femmes dans la vie publique.

    C'est pourquoi, nous proposons un certain nombre de mesures très concrètes visant à moderniser notre vie politique et à encourager un contrôle large et régulier du pouvoir politique par les électeurs. Nous souhaitons ainsi raccourcir et harmoniser à cinq ans la durée de tous les mandats politiques, limiter strictement le cumul des mandats et fonctions politiques, inscrire dans la Constitution l'objectif de parité hommes-femmes. Nous souhaitons enfin une extension des élections au suffrage direct ainsi qu'une modification des différents modes de scrutin pour favoriser la représentation de la pluralité des opinions.

    La représentativité des élus dont vous doutez me semblerait être pleinement renforcée par ces mesures.

    Cela doit nécessairement aller de pair avec une meilleure écoute par les élus des préoccupations de toutes les catégories de citoyens. Je pense ainsi que la démocratie doit reposer sur un renforcement des mécanismes de consultation et de participation du plus bas au plus haut niveau du pouvoir. Pour ce faire, différentes formes de débat public doivent être privilégiées afin non seulement d'informer les citoyens mais aussi de prendre en compte leurs revendications et suggestions.

    Dès lors que la participation continue des citoyens à l'exercice du pouvoir est assurée, je pense que les électeurs ne connaîtront plus cette frustration d'expression trop souvent ressentie. Car ce n'est pas seulement lors d'une consultation électorale qu'ils pourront s'exprimer mais quotidiennement à travers le renforcement du débat public. Davantage informés, davantage acteurs, les citoyens se sentiront davantage entendus.

    Dans le domaine de l'égalité parentale que vous avez choisi comme exemple comme dans les autres domaines, les socialistes sont décidés à lutter contre toutes les formes de discriminations au nom des principes mêmes de la déclaration des droits de l'Homme de 1789.

    A situation égale, il est important que l'égalité des droits soit une réalité. Il ne suffit donc pas de changer quelques textes mais de faire évoluer notre société vers plus de tolérance pour plus de justice.

    Parce que les deux parents sont, sans conteste, aussi importants l'un que l'autre pour leur enfant, il est essentiel de ménager à chacun d'entre eux, la place qui lui revient auprès de lui. C'est d'ailleurs un préalable absolu à une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines.

    Cette remarque dépasse largement le problème purement juridique de l'exercice de l'autorité parentale commune. L'autorité parentale commune est une bonne chose et son principe doit être développé. Il ne faut pas oublier, pour autant, qu'elle implique, pour réussir, une coopération minimum entre les parents, la conscience de leurs responsabilités et la capacité à mettre de côté leurs querelles propres, lorsqu'elles existent, dans l'intérêt même de leur enfant.

      C'est à cette maturité partagée qu'il faut aboutir en levant les uns après les autres les obstacles qui empoisonnent les relations entre les parents séparés.

    Il faut encourager la vie de l'enfant avec chacun de ses parents. A cet égard, la mise en œuvre d'une résidence alternée constitue une bonne piste. Je me garderai cependant d'en faire une règle : l'intérêt de l'enfant reste l'objectif principal. Il ne se décrète pas mais se constate, au cas par cas. Les parents doivent être prêts à en accepter les servitudes, ce qui n'est pas toujours le cas. Sa mise en œuvre impliquerait bien évidement que l'on en tire les conséquences, y compris sur le plan fiscal.

    Cette idée fait son chemin mais il paraît indispensable pour en accélérer la prise en compte et en tirer les conséquences pratiques, de favoriser par tous les moyens la paix dans les relations entre les parents séparés. Pour aboutir, il faut d'abord faire avancer les mentalités.

    Le contentieux de la famille absorbe à lui seul plus de 50% de l'activité des juridictions civiles de première instance et encore 16% des appels. Lourd, cher pour les plaideurs et la société, les procédures ne font en général que renforcer les contentieux existants entre les parents; l'intérêt de l'enfant ne peut qu'en pâtir.

    Les socialistes estiment que dans une matière aussi sensible, la " déjudiciarisation " des contentieux est souhaitable. Seuls les cas extrêmes devraient être soumis au juge.

    Dans le même sens, des procédures de divorce de plus en plus souples doivent être recherchées. Il faut éviter que la violence ne constitue un obstacle à l'organisation sereine, autour de l'enfant de la famille séparée.

    L'assouplissement de la prestation compensatoire peut également être envisagée pour tenir compte de la modification toujours possible de situations ressenties comme trop injustes.

    En aucun cas, des considérations financières ne doivent primer l'intérêt de l'enfant . Faire de celui-ci un enjeu économique ou un otage est insupportable. La souplesse de la législation est dès lors une garantie contre les situations injustes à condition, bien entendu, que les juges s'adaptent à l'évolution de la société. A cet égard, notre projet qui devrait rapprocher et même parfois associer les citoyens à une justice rénovée me paraît aller dans le sens que vous souhaitez.

    Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.


    La réponse faite.

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